Entrer sans frapper
Si j’apprends à t’aimer, chez moi tu pourras entrer sans frapper,
mais réfléchis bien: ce sera pour t’étendre
sur ma paillasse, et soupirer à l’unisson de la paille
crachant poussière.
Je t’apporterai une cruche d’eau fraîche
et j’essuierai tes souliers quand tu t’en iras;
personne ici ne nous dérange:
tu pourras donc, dos courbé, rapiécer nos nippes.
Grand est ici le silence: je te parlerai;
si tu es fatigué, je te ferai asseoir sur l’unique chaise;
s’il fait chaud, tu pourras ôter col et cravate;
si tu as faim, tu auras pour seule assiette une feuille de papier,
mais propre,
et n’oublie pas de m’en laisser un peu – moi aussi j’ai grand faim.
Si j’apprends à t’aimer, chez moi tu pourras entrer sans frapper,
mais réfléchis bien:
tu me ferais peine si d’ici longtemps tu te dispensais
de venir chez moi.
(Attila Jozsef) Avril 1926
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