DIS-MOI QUEL SERA LE SORT
(MONDD MIT ÉRLEL)
Dis-moi quel sera le sort de celui
Qui n'a pas mérne un manche de pioche ?
Sur son chemin le souci le poursuit,
Jamais sur sa langue un brin de brioche.
II voudrait planter des pommes de terre
Mais de terrain libre il n'est plus un pouce.
Ses cheveux s'en vont par méches entiéres,
Lui ne voit rien du destin qui le pousse.
Dis-moi quel sera le sort de celui
Qui n'a que cinq arpents pour ses emblaves ?
Son coq décharné racle des débris
Et seuls les soucis nichent dans sa cave.
Son joug se tait, on n'entend point ses boeufs,
Comme il n'en a point, plus de meuglements.
Seul le fond du plat fume encore un peu
Lorsqu'il fait manger son petit enfant.
Dis-moi quel sera le sort de celui
Gagnant pour lui seul sa vie de maudit ?
Point de fumet dans la soupe qui cuit,
Et l'épicier ne fait plus de credit.
Pour se chauffer il n'a que son vieux siége.
Un chat s'étend sur son poéle ébréché.
Avec sa clef il invente un solfége,
L'oeil amer et seul il va se coucher.
Dis-moi quel sera le sort de celui
Qui pour nöurrir les siens toujours travaille ?
Seule l'ainée file au ciné la nuit.
Pour un trognon, chez lui l'on se chamaille.
A laver sans fin, la femme s'éreinte,
Un relent de choux demeure en sa bouche;
Le silence écoute et les ombres bougent.
Dis-moi quel sera le sort de celui
Qui tout autour de la fabrique traine ?
La, des enfants posent leur front pali,
Une femme a pris sa place á la chaíne,
Par la palissade á quoi bon s'il guette,
II a beau porter cabas ou panier,
S'il dórt on le bat pour le réveiller
Et s'il maraude aussitót on I’arréte.
Dis-moi quel sera le sort de celui
Qui pése tout dans un mauvais papier ?
Tout á credit : le pain, le sel, les fruits.
La balance, a quoi bon la nettoyer ?
Dans la lumiére avaré, il se lamente :
Trop de loyer á payer et d'impots,
II ne gagne rien quand bien méme il tente
De majorer le pétrole un peu trop.
Et dis quel sera le sort de celui
Qui est poéte et qui chante inquiet ?
II court aprés les travaux de copie,
Sa femme lave á grandé eau les parquets.
Son nom ce n'est qu'un sceau sans importance,
Tels ceux qu'on voit aux produits d'entretien.
Mais s'il vit un jour íme autre existence,
Elle appartient aux temps prolétariens.
1932
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