"Én dolgozni akarok" EMLÉKPAD. József Attila 1905-1936

 dolgozni akarok Jozsef Attila 1905-1937

jeudi 12 mai 2011

COMPLAINTE TARDIVE.

COMPLAINTE TARDIVE

Trente-six degrés de fièvre : je brûle
Et sans tes soins, maman,
Comme on fait allonger les filles sans scrupules,
la mort t’a étendue contre son flanc.
D’un doux automne et de femmes chéries
je tâche, maman, de te recréer ;
mais on n’échappe pas au temps qui fuit :
je brûle, ardent brasier.

J’allai en province (on était à bout
au cours de l’après guerre)
Budapest était sens dessus dessous
et même du pain ne s’y trouvait guère.
Sur un wagon, à plat ventre couché,
je t’apportai des vivres, fils têtu :
du millet blanc, même un poulet entier ;
et toi, tu n’étais plus.

Tu as donné aux vers tes doux tétons !
Tu m’as échappé, mère !
Tes réprimandes, tes consolations
si chères se révélaient mensongères !
« Mange, c’est pour moi que tu grandiras ! »
Tu soufflais sur mon potage brûlant.
Vide, ta bouche mord dans l’humus moite et gras –
tu m’as trahi, maman !

J’aurais dû te manger !... Toi – non pas ton dîner !
L’ai-je demandé, moi ?
Pourquoi avoir lavé, le dos courbé ?
Pour qu’au fond d’une caisse il redevienne droit ?
Si une fois encor tu pouvais me rosser !
Je me rebifferais saisi d’un bonheur fou :
méchante, tu t’essaies à ce non-exister !
Ombre, tu gâtes tout !

Ah, tu es plus gredine que ces femmes qui
nous mènent par le bout du nez !
Tu as de tes amours, en fraude, omis
ta foi vivante en des cris enfantée !
Tzigane ! Tu me fis, me cajolant, des dons
pour les reprendre à l’heure la dernière !
L’enfant a forte envie de pousser des jurons –
M’entends-tu ? Fais-moi taire !

…Mon esprit brouillé peu à peu s’éclaire,
la légende est passée.
L’enfant à jamais épris de sa mère
reconnaît d’avoir été insensé.
Toujours nous serons fils insatisfaits ;
même en leurrant les autres on se leurre :
qu’on lutte ou bien qu’on choisisse la paix,
il faut que l’on en meure.

Décembre 1935/1936

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