DANS CETTÉ BANLIEUE ÉNORME...
(A VÁROS PEREMÉN)
Dans cetté banlieue énorme oú je vis,
Quand croulent les crépuscules,
Ailes tournoyant de chauves-souris,
Ailes douces qui circulent,
Tombe comme un puant guanó de suie
Qui lentement s'accumule.
Ainsi les temps noirs sur notre áme pésent
Et comme les lourdes pluies,
Loques d'eau roulant du ciel et lavant
Les toits aux toles pourries,
En vain la douleur lave en notre coeur
La laideur déjá durcie.
Le sang lave aussi : voilá qui nous sommes!
Peuple, espéce, neuve école...
Et nous prononcons autrement les mots,
Autrement nos cheveux collent.
Ne nous ont créés ni dieux ni raison
Mais charbon, fer et pétrole.
De la société sans nom, sans pitié,
Pauvre glu, on nous coula
Dans des moules de métal dur, cruels,
Brulants et universels :
Cloués la au nom de l'humanité,
Rivés au sol éternél.
Aprés les soldats, prétres et bourgeois,
Nous voilá nous, les fidéles,
Des Tables de la Loi dépositaires;
Voilá pourquoi nous appelle
Le sens de chaque oeuvre humaine qui chante
En nous comme un violoncelle!
Depuis que naquit le monde solaire,
A travers tant de possibles,
Jamais, non, jamais on ne voulut tant
Détruire I’indestructible.
Choléra, famine, armes, fanatisme :
Tout fléau nous prit pour cible.
Jamais comme alors, vainqueur du futur,
Autant ne fut humilié
L'homme en chacun de nous,
par vos bons soins,
Sous le soleil irradié !
Mais d'avoir baissé nos yeux vers la terre,
Son secret s'est éveillé...
Et voyez combién la bonne machine
Déjá s'est ensauvagée!
S'écrasent, sans nom, les petits villages
Comme glace fracassée,
S'écroulent les murs et tonne le ciel
Quand elle éructe, grisée !
Qui 1'arrétera ? Est-ce le seigneur,
Par son molosse transi ?
Holá! notre enfance est bien son enfance,
Avec nous elle a grandi... Béte douce, certes...
appelez-la donc :
Son nom, nous l'avons appris !
Et nous vous voyons bientot á genoux
Avec votre áme avilie,
Préts á adorer cetté mécanique
De votre travail pétrie
Mais qui n'arrive á aimer, á servir
Que la main qui I’a nourrie.
Nous sommes lá tous, soupgonneux, ensemble
Nous enfants de la matiére :
Gonflez-nous d'esprit! Nos coeurs sont á qui
Nous fait Fámé plus altiére.
Celui, seul, sera riche de puissance
Qu'emplira notre lumiére.
Haut les coeurs, vous tous! Haut sur les usines!
Seul qui, parmi les sanies
Des cités, vit un soleil se noyer,
Qui dans la mine en folie
Sentit vibrer la térre, a ce cceur large,
Large et barbouillé de suie!
Debout tous ! Sur la terre partagée,
Que gémissent et chancellent,
Soufflés, culbutés, les murs, les clotures,
Que notre ciel étincelle
Et tonne et gronde en haut, hardi, hardi!
Que tout bouillonne et appelle !
Jusqu'á ce beau jour oú sera limpide
Le miracle en nous vainqueur :
Celui de l'esprit qui méle en nos cceurs ,
L'infini et le fini
Et, hors de nous, puissance créatrice :
Et sagesse de I’instinct...
Siffle notre chant au bord des banlieues,
Le poéte au crépuscule
Contemp|e le ciel et la suie qui tombe, :
Ailes douces qui circulent,
Lent guanó qui sur le sol se dépose
Et partout s'accumule...
Poéte - et le verbe a sa bouche bruit -,
Technicien de la magié :
Écoutez-le déchiffrer I’avenir!
IL lie et délié I’obscur
Et comme vous aux prises avec les choses
Veut rebátir I’harmonie!
Printemps 1933
Dear Linda.
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Hugs from Moni