"Én dolgozni akarok" EMLÉKPAD. József Attila 1905-1936

 dolgozni akarok Jozsef Attila 1905-1937

jeudi 19 mai 2011

Ma Patrie.

MA PATRIE - Attila József

1

Alors qu’en ma maison cette nuit je rentrais,
J’ai senti vaciller comme un bruit de velours.
Et là, dans la chaleur que la brise parcourt
Il me sembla que les jasmins applaudissaient.

Mon âme est une vaste jungle somnolant.
On dormait dans la rue. Tout à coup m’envahissent,
En cet endroit où s’enracinent, se nourrissent,
Conscience, langage, en un seul élément.

Le peuple, uni en la nature, notre mère
Ivre, qui nous attire en son giron trompeur,
Le peuple dont la vie est un lieu de douleur,

Lieu de travail où il profère des jurons,
Ou qui médite ici, plongé au creux profond,
Si profond de la nuit, nationale misère.

2

Peuple, les maladies ici sont pléthoriques.
Jeunes enfants, la mort chez eux fait des ravages.
Et combien d’orphelins et de vieux avant l’âge,
Et de fous, et de si piteux enfants uniques.

La paresse d’esprit, le suicide, les péchés,
Et ceux qui prient pour le miracle, sans y croire,
Rien de cela n’est suffisant pour faire voir
Qu’il est grand temps de ces fléaux se libérer!

Donc, discutons, là ou pourra se réunir
Un peuple travailleur, volontaire et capable,
Des innombrables maux qui nous accablent,

Alors que par la violence fascinés,
Tant de ces gens dont l’œuvre est de légiférer,
Vouent notre belle race à seulement mourir.

3

Le hobereau, pour qui l’on porte des billots
Et des gerbes de blé, qui nous font des hernies,
Pour se créer du terrain libre démolit
Impitoyablement villages et hameaux.

L’homme lucide, et qui assume avec vaillance
La défense de son pays dans le malheur
Sera traîné comme une bête sans valeur,
Pour qu’il élise un député plein de jactance.

Voici les gendarmes casqués, aux belles plumes
Qui s’agitent, en souriant, en prescrivant
Que soit nommé, pour décider ouvertement

Celui que le pouvoir a pieds et poings liés,
Ficelé comme au champ une gerbe de blé,
Et que la servitude, en ce seul mot résume.


4

Nos seigneurs n’étaient pas idiots ni négligents
Et leurs biens, contre nous ils savaient les défendre.
Voilà pourquoi quinze cent mille de nos gens
En Amérique ont dû, d’un pied tremblant, se rendre.

Cœur serré, titubants, sans savoir où se prendre,
Beaucoup ont disparu sur les flots rugissants,
Portant leurs souvenirs avec eux, vomissants,
Comme un qui veut, du vin, l’oubli sauveur attendre.

Tels entendaient les sons de beaux grelots dorés,
D’autres savaient que tous ces fous partis sur l’onde
N’enverraient plus d’argent pour la famille, après.

Nos passés, à chacun, se heurtent, se confondent…
Nous sommes, nous aussi, par quelque Nouveau Monde
Attendus comme sont ces pauvres émigrés.


5

L’ouvrier n’obtiendra ici, pour seul salaire,
Que ce qu’il aura pu par lui-même arracher,
Pour un peu plus de pain pour la soupe à tremper,
Et du vin dans beaucoup d’eau, pour se distraire.

Jamais pourtant ne se demande le pays
Pourquoi le mal peut à tel point s’accumuler,
Et pourquoi ne pas mieux protéger l’ouvrier
Avec l’argent dont on abreuve l’industrie.
Elle rêve, la jeune fille du textile,
De plats sucrés, mais des cartels n’a nul souci,
Et quand on lui remet ses sous, le samedi,

Ses sous – mais moins ce qu’en amende on lui retient,
Ont ricané: on ne travaille pas pour rien,
Pas tout à fait; mais à la fin que reste-t-il?


6

Devant le pauvre un riche est tout tremblant d’effroi,
Un pauvre est tout tremblant de peur devant le riche,
Car notre vie, c’est la crainte qui la dirige,
L’astuce également, mais l’espoir n’y est pas.

Aux paysans jamais il n’accorde de droits
Celui qui se nourrit du bon pain de leurs miches,
Et quant au journalier, maigre comme les friches
Plutôt que de revendiquer, il se tient coi.

Un pauvre baluchon sur son dos se balance,
Lorsque l’enfant du peuple émerge et qu’il s’élance
Hors du sentier foulé pendant mille ans, dit-on.

Il cherche en quel bureau il peut faire l’affaire
Comme planton, lui qui devrait de son bâton
Frapper la tombe où sont les restes de son père.


7

L’exilé que je suis reste Hongrois pourtant
Et mon âme inquiète et tremblante s’écrie:
Reprends-moi sur ton sein, ô ma douce patrie,
Pour que je sois ton fils fidèle, ton enfant.

Que l’ours pataud traînant sa chaîne aille dansant,
Il ne m’est pas permis de subir cette vie:
Je suis poète: à ton procureur notifie
Qu’il ne m’arrache pas ma plume injustement.

Après des paysans à la mer, je demande
Que tu donnes à l’homme un peu d’humanité,
Puis au Hongrois l’orgueil de sa hungarité,

Que nous ne soyons pas colonie allemande,
Que je compose de beaux vers et qu’on entende
Résonner mes chansons avec plus de gaieté.

1937. Mai

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